Revitaliser les petites villes en décroissance
Usages et paradoxes de l'architecture dans l'action publique
mardi 09 décembre 2025à 14:00
Soutenance de thèse
Audrey Brantonne
Amphithéâtre Cécile Poisson
Bibliothèque Georges Perec
Jury
· Paul Landauer, professeur HDR, École d'architecture de la ville et des territoires Paris-Est (directeur)
· Frédéric Bonnet, professeur, École nationale supérieure d'architecture de Saint-Étienne (co-encadrant)
· Sylvie Salles, professeure HDR, École nationale supérieure de paysage (Versailles) (rapportrice)
· Émeline Curien, maîtresse de conférences HDR, École nationale supérieure d'architecture de Nancy (rapportrice)
· Emmanuelle Bonneau, maîtresse de conférences, Institut d'aménagement, de tourisme et d'urbanisme, Université Bordeaux Montaigne
· Max Rousseau, maître de conférences, École nationale des travaux publics de l'État (Lyon)
· André Lortie, professeur émérite, École nationale supérieure d'architecture de Paris-Belleville
Résumé
Dans les débats contemporains qui traversent l’action publique consacrée à l’aménagement du territoire, l’architecture tient une place significative. Elle est en effet l’un des supports narratifs qui accompagnent la revitalisation des campagnes. L’usage qui est fait de la discipline dans ce cadre fait toutefois rarement l’objet d’études critiques, lesquelles permettraient pourtant d’en révéler les paradoxes et les limites.
Loin d’être un sujet inédit, la désertification des espaces ruraux occupait le débat public français, bien avant les premières politiques de décentralisation. Concomitante de la désindustrialisation, la désignation des métropoles d’équilibre, en 1964, participe d’un processus de métropolisation dont nous continuons d’étudier les effets. Au cours des quinze dernières années, l’expression croissante d’un sentiment de relégation des campagnes françaises nourrit la création de politiques dédiées. D’abord expérimentale dès 2014, l’action publique de revitalisation entre dans une phase de massification en 2020, avec le lancement du programme « Petites Villes de Demain ».
Touchées par des évolutions d’ordre socio-économique, ces petites villes expérimentent parfois la paupérisation des populations et le déclin démographique. Ces phénomènes trouvent une expression spatiale manifeste dans la dégradation des espaces publics et des parcs de logements, la vacance résidentielle et commerciale, la multiplication des espaces en friche. À l’expression de symptômes variés, se substitue l’emploi univoque du terme « dévitalisation », dissimulant la diversité des situations et la complexité des dynamiques à l’œuvre.
En Lorraine, ces enjeux s’expriment avec une acuité particulière : aux contrastes territoriaux accentués par la métropolisation, s’ajoutent les stigmates d’une désindustrialisation dont la région porte toujours l’empreinte. Les petites villes lorraines, par leurs fonctions et leurs histoires, concentrent les problématiques et apparaissent comme des espaces démonstrateurs de ces fractures.
Les programmes de revitalisation poursuivent dès lors l’objectif d’un retour à la croissance et l’attractivité ; et leur déploiement s’appuie sur un récit dont l’architecture se présente comme un medium. Pour sa capacité à fixer les imaginaires, la discipline est mobilisée dans le cadre d’études qui proposent des scénarios de revitalisation par la transformation du cadre de vie. Mais ces démarches mobilisent une échelle d’action bien modeste, au regard des mutations globales et profondes qu’elles se proposent d’infléchir. Elles se heurtent à des freins manifestes, lors du passage à l’opérationnel. La place et le rôle donnés à l’architecture dans ces démarches révèlent ainsi les incohérences des politiques de revitalisation, dont les limites sont plus rapidement éprouvées dans un contexte régional en décroissance, tel que la Lorraine.
Cela signifie-t-il pour autant que la discipline architecturale soit étrangère aux enjeux de la dévitalisation ? Si elle n’est pas en mesure d’infléchir des paradigmes socio-économiques et se révèle inopérante ainsi mobilisée, elle permet néanmoins d’éclairer la situation des petites villes en déclin de multiples manières. L’histoire suffit à soutenir l’hypothèse d’une intrication étroite entre architecture et fait politique. À l’aune des enjeux du XXIe siècle, il semble que cette relation puisse faire l’objet d’un nouvel examen, auquel l’analyse des démarches de revitalisation peut contribuer. Loin de réduire ou d’essentialiser le rôle de l’architecture à celui de vecteur opérationnel – parfois condamné à l’impuissance – il est question de relire le rôle de l’architecture dans l’action publique de revitalisation, depuis son émergence jusqu’à son évaluation, à l’aune des quinze années qui viennent de s’écouler.
Audrey Brantonne est architecte et architecte conseillère chargée de la prospective du CAUE de Meurthe-et-Moselle. Elle a préparé cette thèse de doctorat au sein du laboratoire OCS de l’Ensa Paris-Est, de l’École Doctorale Ville, Transport, Territoire de l’Université Paris-Est & de l’Université Gustave Eiffel.
↓ Photographie
Verrerie désaffectée à Cirey-sur-Vezouze, Audrey Brantonne, 2023