Domestiquer l'énergie solaire
Architecture, décolonisation et écologisme dans la France d'après-guerre, 1945-1986
lundi 13 juin 2022à 14:00
Soutenance de thèse de Paul Bouet
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Jury
Daniel A. Barber, associate professor, University of Pennsylvania, rapporteur.
Sabine Barles, professeure, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, rapporteure.
Jean-Louis Cohen, professeur, New York University.
Samia Henni, assistant professor, Cornell University.
François Jarrige, maître de conférences, Université de Bourgogne.
Fanny Lopez, maîtresse de conférences, ENSA Paris-Est, Université Gustave Eiffel.
Sébastien Marot, professeur, ENSA Paris-Est, Université Gustave Eiffel, directeur de thèse.
Antoine Picon, professeur, Harvard University.
Résumé
Cette thèse retrace l’histoire d’une tentative : utiliser le rayonnement solaire pour réduire la dépendance de l’architecture aux énergies fossiles. Depuis les tensions sur les ressources provoquées par la Seconde Guerre mondiale jusqu’au tournant nucléaire des années 1980, ce que ses contemporains ont parfois nommé l’« architecture solaire » a donné lieu à l’invention de dispositifs techniques, à la réalisation de bâtiments expérimentaux et à la formulation de savoirs théoriques. La thèse analyse en quoi ces travaux ont cherché à redéfinir les rapports entre architecture et environnement dans la France d’après-guerre, tout en examinant les circulations avec l’Afrique du Nord et de l’Ouest et l’Amérique du Nord. Elle développe une approche qui se situe à l’interface entre histoire de l’architecture, histoire des techniques et histoire environnementale, et se structure en deux parties.
On montre d’abord comment l’architecture solaire a émergé comme un outil au service des politiques de colonisation et de développement, afin de fournir directement en énergie des établissements humains éloignés des infrastructures modernes dans le Sahara et le Sahel, tout en s’adaptant au climat du désert. Des figures qui ont joué un rôle central dans cette émergence, comme le scientifique Félix Trombe et les architectes Georges et Jeanne-Marie Alexandroff, ont ensuite poursuivi leur trajectoire en métropole. Dans un second temps, on analyse comment les recherches sur le solaire se sont déplacées et amplifiées pour constituer la principale tentative d’intégration des préoccupations écologistes à l’architecture, dans le contexte de la crise pétrolière des années 1970. Des controverses sur les choix technologiques et la recherche de traditions esthétiques ont animé cette discussion, avant que les travaux sur le solaire ne connaissent un déclin brutal au milieu des années 1980.
En conclusion, on considère l’héritage de l’architecture solaire en la replaçant dans un cadre élargi. Cet épisode nous conduit à nous interroger sur les origines coloniales des tentatives d’adaptation au climat par l’architecture, sur leur occultation et leur reconnaissance. L’architecture solaire est également caractérisée comme une alternative, une trajectoire finalement marginalisée dans la « grande accélération » de l’impact des activités humaines sur l’environnement, dont la redécouverte a vocation à interroger notre présent.
photo :
Maison solaire expérimentale du CNRS, Odeillo, 1966-1967.